Nouvelles règles imminentes pour les commissions intégrées dans les fonds communs de placement canadiens

Des propositions suscitent des discussions au sein du secteur

En janvier 2017, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), un organisme qui chapeaute les commissions des valeurs mobilières provinciales et territoriales du Canada, ont publié leur document de consultation très attendu portant sur l’option d’abandonner les commissions intégrées dans les fonds communs de placement canadiens en faveur d’un modèle suivant lequel les investisseurs paieraient directement au courtier une rémunération en contrepartie de conseils.

Dans le document de consultation, les ACVM citent des résultats d’études qui étayent leur opinion de longue date selon laquelle les commissions intégrées « encouragent un comportement sous-optimal » dans l’ensemble des segments du secteur financier (membres de fonds d’investissement, courtiers, représentants inscrits et investisseurs), ce qui « réduit l’efficience du marché et nuit à l’atteinte des résultats obtenus par l’investisseur ».1

Les commissions intégrées « encouragent un comportement sous-optimal »

Ces préoccupations ne sont pas nouvelles et datent de plus de 20 ans. En 1995, Glorianne Stromberg, ancienne commissaire à la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, avait soutenu que les commissions intégrées créent un conflit qui entraîne une discordance entre les intérêts du secteur des fonds d’investissement et ceux des investisseurs, puisque les conseillers sont motivés par la présence de commissions intégrées. Des interdictions semblables ont déjà été imposées au Royaume-Uni, en Australie et aux Pays-Bas. Si elle est adoptée, l’interdiction proposée s’appliquera aux fonds et aux produits structurés tant sur les marchés réglementés que dispensés.

La publication du document a marqué le lancement d’une période de consultation de 150 jours (qui se terminera le 9 juin 2017), pour laisser aux intervenants du secteur des placements et aux investisseurs un délai suffisant pour réagir.

Des groupes du secteur recommandent une transition progressive

L’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC), une association au service du secteur des fonds communs de placement, a réagi au document des ACVM en disant que l’élimination des commissions intégrées « pourrait grandement entraver l’accès aux conseils en matière de placement pour un grand nombre [d’investisseurs] » étant donné qu’environ 4,5 millions de ménages canadiens paient actuellement les frais liés à leurs fonds de placement au moyen de telles commissions.2

Environ 4,5 millions de ménages canadiens paient actuellement les frais liés à leurs fonds d’investissement au moyen de commissions

Au départ, l’IFIC avait exhorté les ACVM à reporter la publication du document de consultation jusqu’à ce que les répercussions d’autres réformes en cours en ce moment soient mieux comprises, notamment les nouvelles règles de divulgation actuellement déployées qui visent à assurer que les investisseurs voient les frais qu’ils paient pour les conseils.

Paul Bourque, président et chef de la direction de l’IFIC, affirme que « les organismes de réglementation et les gouvernements devraient se demander si le coût qu’entraîne l’abolition des commissions intégrées est proportionnel à l’objectif réglementaire de mitiger les conflits d’intérêts ». Il souligne que « le secteur est déçu du fait que les ACVM ont choisi de ne pas axer la consultation sur des mesures moins déstabilisantes et de n’envisager qu’une seule solution, soit une abolition complète ».

Advocis, un organisme professionnel bénévole de planificateurs financiers au Canada, a déclaré qu’en réclamant une abolition des commissions intégrées, les organismes de réglementation n’ont qu’une vue partielle, puisque le modèle avec commissions permet aux Canadiens ordinaires d’accéder à des conseils abordables qui les aideront à assurer leur avenir financier. Le président et chef de la direction d’Advocis, Greg Pollock, CFP, ajoute que des études indiquent que les consommateurs préfèrent payer pour les conseils financiers par le biais de frais qui sont intégrés dans leurs fonds communs de placement.3

Les organismes de réglementation laissent aux membres du secteur la responsabilité de déterminer le meilleur mécanisme de rémunération pour leur entreprise et leurs clients, ce qui peut comprendre des commissions initiales (comme des frais d’acquisition), des tarifs horaires, des frais fixes ou des frais fondés sur la taille du portefeuille des clients. D’autres mécanismes de rémunération sont également possibles, comme lorsque des frais directs sont payés relativement à l’achat d’un titre ou d’un autre service.

L’interdiction visant les frais exercerait de nouvelles pressions sur les fonds

Les ACVM s’attendent à ce que l’interdiction proposée entraîne une chute des frais des fonds d’investissement, de
0,4 % pour les fonds à gestion passive et de
0,75 % pour les fonds à gestion active

Les fonds assortis de commissions intégrées, quels que soient la manière et le moment où elles sont payées, pourraient faire face à des défis de taille en raison des réformes proposées. Au total, les ACVM estiment à 44 % la proportion des actifs des fonds gérés activement qui pourraient « faire l’objet de rachat et être affectés à des gestionnaires de fonds d’investissement concurrents » si les commissions intégrées étaient abandonnées et si ces gestionnaires n’étaient pas en mesure d’ajuster leurs honoraires ou d’améliorer le rendement. Les ACVM s’attendent aussi à ce que l’interdiction proposée entraîne une chute des frais des fonds d’investissement, de 0,4 % pour les fonds à gestion passive et de 0,75 % pour les fonds à gestion active.

Des groupes consultatifs et sectoriels ont prévenu qu’une baisse des frais n’aide pas nécessairement les petits investisseurs qui pourraient, d’une part, préférer payer au moyen de frais groupés ou intégrés, ou, d’autre part, ne pas avoir accès à des conseils adéquats si le nombre total de conseillers diminue en raison des nouvelles règles ou si le mécanisme de paiement direct rend le coût des conseils financiers hors de portée des petits investisseurs. Ils constatent également que, comme une plus grande transparence à l’égard des niveaux actuels des frais vient seulement d’être offerte aux investisseurs individuels par l’entremise de leurs relevés de compte, il est trop tôt pour évaluer raisonnablement l’opinion et la réaction des investisseurs face à une meilleure connaissance des mécanismes de frais existants.

Pour leur part, les ACVM ont indiqué que la décision d’abandonner ou non les commissions intégrées ne sera prise « qu’après avoir examiné et évalué attentivement les répercussions possibles d’une telle décision sur les investisseurs et sur les participants au marché ». Entre-temps, les ACVM encouragent les intervenants du secteur à « élaborer des solutions et des innovations axées sur le marché » qui répondent à l’évolution du contexte de gestion des fonds.

 


Sources

  1. Autorités canadiennes en valeurs mobilières (10 janvier 2017) - ) Les autorités en valeurs mobilières du Canada lancent une consultation sur les répercussions possibles de l’abandon des commissions intégrées
  2. Institut des fonds d’investissement du Canada (10 janvier 2017) - Évaluer soigneusement les avantages pour les investisseurs avant de déstabiliser des millions de titulaires de comptes canadiens
  3. Wealth Professional (25 juin 2013) - Embedded Commissions: the affordable way? (Commissions intégrées : la façon abordable ?)