L’intelligence artificielle : au-delà du Terminator

Murray Bender : RBC Services aux investisseurs présente des perspectives sur les défis et les occasions auxquels font face les entreprises et les investisseurs institutionnels. Nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui à notre balado Nicholas Abe, cofondateur et directeur de l’exploitation de la société Boosted.ai, de Toronto, avec qui nous allons nous entretenir sur le sujet de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine de la gestion d’actifs. Bienvenue, Nick.

Nicholas Abe : Merci de m’avoir invité, Murray.

Murray Bender : Pour commencer, Nick, auriez-vous l’obligeance de nous en dire un peu plus sur Boosted.ai.

Nicholas Abe : La société Boosted.ai a été créée il y a quelques années. Nous travaillons dans le domaine de l’apprentissage automatique faisant intervenir des données structurées. La question sous-jacente à la création de cette entreprise était la suivante : pouvons-nous aider les investisseurs axés sur les éléments fondamentaux à intégrer l’IA dans leur processus en reproduisant l’univers des actions qu’ils couvrent, la méthodologie à laquelle ils ont recours pour gérer ces titres et automatiser le processus qui consiste à les aider à déterminer quels titres il y a lieu d’acheter et de vendre, à faire en sorte que l’ordinateur puisse classer ces titres comme il se doit pour eux, en plus de leur signifier quelles actions le système souhaite acheter et vendre, et précisément pourquoi.

Plus récemment, au vu des progrès réalisés dans le domaine de l’intelligence artificielle générative, nous nous sommes beaucoup employés à faire en sorte que nos clients puissent également gagner du temps. Et, à cet égard, l’idée était la suivante : sachant que nous parvenions à maîtriser plutôt bien les données structurées, nous pourrions intégrer des données non structurées, lire les actualités, lire les transcriptions des conférences téléphoniques sur les résultats trimestriels, lire les formulaires 10‑K et 10‑Q, et nous pourrions ainsi aider nos utilisateurs à comprendre de manière générale ce qui se passe sur les marchés boursiers.

Murray Bender : Vous venez d’évoquer l’intelligence artificielle générative. Auriez-vous l’obligeance de nous donner une brève définition de ce qu’est l’intelligence artificielle, ou l’IA ? Et quelle est la différence entre l’intelligence artificielle prédictive et l’intelligence artificielle générative ?

Nicholas Abe : Absolument. Voilà une excellente question. Je pense qu’il existe une définition plutôt formelle de ce qu’est l’intelligence artificielle qui, à certains égards, n’importe pas vraiment. Il me semble que, lorsque nous pensons tous à ce qu’est l’IA, nous vient à l’esprit le Terminator. Nous pensons au personnage vedette de ce film, incarné par Arnold Schwarzenegger, qui réalise une foule de calculs afin de déterminer, par exemple, là où se trouve sa cible.

Et ce n’est que depuis peu que l’IA a véritablement pris des airs d’intelligence artificielle. Vous voyez ce que je veux dire ? Je pense ici aux débats entourant ChatGPT alors qu’il est désormais possible d’obtenir pratiquement par magie précisément ce que vous cherchiez ou à tout le moins quelque chose qui se rapproche de ce que vous cherchiez, après avoir tapé une simple question. L’intelligence artificielle prédictive et l’intelligence artificielle générative sont très similaires et, en fait, il s’agit de la même chose. Cependant, s’agissant de l’intelligence artificielle générative, c’est le type d’application de la technologie qui diffère.

Ainsi donc, dans le cas de l’intelligence artificielle prédictive, nous pouvons penser à des situations qui consistent, par exemple, à prédire à quel moment un puits deviendra à sec ou à quel moment nous devrons changer un pneu. Vous voyez ce que je veux dire ? Pour y parvenir, nous utilisons de vastes quantités de données pour faire ce genre de prédictions et déterminer précisément à quel moment un événement donné va se produire.

En ce qui concerne l’intelligence artificielle générative, si nous nous en tenons à des éléments textuels, l’approche consiste à injecter en quelque sorte l’ensemble des connaissances humaines dans ces modèles de sorte que l’ordinateur puisse apprendre précisément quels mots différents sont utilisés en combinaison avec d’autres mots ou termes, l’objectif étant ensuite de tenter de prédire quel mot viendra par la suite. De sorte que, lorsque vous posez une question, le système puise dans l’ensemble des connaissances dont il dispose déjà, examine votre question et tente de prédire le mot suivant. Une fois que le système a prédit ce mot, il s’emploie à prédire le suivant et ainsi de suite. Découle donc d’un tel système, en quelque sorte, une expérience d’intelligence artificielle générative dont on pourrait considérer qu’elle tient un peu de la magie.

Murray Bender : De quelle manière l’IA apporte-t-elle actuellement un supplément de valeur aux gestionnaires d’actifs ?

Nicholas Abe : D’un point de vue traditionnel, on pourrait considérer qu’environ les 10 plus importants fonds de couverture du monde ont eu recours à l’IA, tant du point de vue structuré que du point de vue non structuré, pour véritablement faire des prédictions et déterminer quelles actions il y a lieu d’acheter et de vendre. Et ces gestionnaires ont toujours connu d’excellents résultats.

Je pense que nous constatons aujourd’hui que de plus en plus de gens s’efforcent d’intégrer de plus en plus de données au processus. Cela devient plus difficile. Nous demandons de plus en plus aux employés affectés à la gestion d’actifs de tenter de déterminer quel usage nous pouvons faire des données des cartes de crédit, quel usage nous pouvons faire des données satellitaires, et comment nous pouvons parvenir à gérer convenablement toutes ces autres tâches que nous devions accomplir en même temps.

Nous observons donc un mouvement en faveur d’une utilisation de l’IA à titre d’outil d’automatisation afin de contribuer à automatiser certaines tâches que, disons, je ne qualifierais pas de manuelles. Il s’agit en fait des tâches qui font un usage plus intensif des ressources et qui nécessitent plus de temps alors qu’un ordinateur est en mesure d’effectuer toutes les recherches pour vous, avant de vous résumer le fruit de son travail d’une manière qui vous permet de prendre une décision et d’établir si vous souhaitez consacrer encore plus de temps à approfondir cette question ou s’il suffit de vous faire une idée générale avant de passer à autre chose.

Murray Bender : Voilà qui semble absolument formidable. Selon vous, quelles sont certaines des difficultés que pose l’IA aux gestionnaires d’actifs ? Et comment ces défis sont-ils gérés ?

Nicholas Abe : Je dirais qu’il y a probablement trois défis importants.

Le premier défi tient au fait que chaque gestionnaire d’actifs dispose de ses propres données auxquelles il voue une grande importance et dont il estime qu’elles devraient l’aider à prendre de meilleures décisions. De sorte qu’il ne souhaite pas vraiment être dépourvu de ces données. Elles constituent en quelque sorte sa propriété intellectuelle. Ces gestionnaires d’actifs ne veulent donc pas que leur soient subtilisées ces données, qu’elles soient versées dans ChatGPT, puis que ce système devienne encore plus futé, ce qui permettrait du même fait à leurs concurrents de devenir eux aussi plus avisés. Il me semble donc que l’aspect qui consiste à veiller à ce que vos modèles fassent intervenir vos propres données pour votre bénéfice exclusif est capital.

Il me semble que l’autre défi important tient à la question, dans son ensemble, de la confidentialité de ces données. Personne ne souhaite être victime d’une fuite de données accidentelle, n’est-ce pas ? Imaginons que ChatGPT commencerait, accidentellement, à poser des questions ou à répondre à des questions concernant vos clients.

Enfin, le troisième défi, qui me semble également être le plus important, tient à l’inertie institutionnelle. En cela, je fais référence au fait qu’il est tout à fait compréhensible… comme je l’ai déjà dit, ces personnes travaillent déjà 60 à 80 heures par semaine. Et si elles devaient aussi s’employer à parvenir à comprendre quel usage elles pourraient faire de l’IA, en plus des responsabilités qui leur incombent déjà, ce serait beaucoup leur demander, n’est-ce pas ? De sorte que cela crée un environnement où il est très difficile pour quiconque de franchir le pas et de vraiment se demander comment il est possible d’intégrer l’IA au processus ou d’engager les sommes nécessaires pour y parvenir.

Et il me semble que le véritable risque pour beaucoup de gens consiste à ne pas agir assez rapidement, puis à être confronté à des concurrents qui, eux, ont agi beaucoup plus rapidement, qui travaillent eux aussi 60 à 80 heures par semaine, mais qui, plutôt que d’en consacrer 20 à 30 à des tâches manuelles, vouent ce temps à la prise de décisions plus générales. À long terme, ce sont ces personnes qui se retrouveront en situation gagnante. Les coûts globaux liés à la mise en œuvre de l’IA sont en vérité relativement faibles par rapport aux risques à long terme auxquels vous êtes confronté si vous n’agissez pas.

Murray Bender : Ainsi donc, si nous nous tournons vers l’avenir, compte tenu de ce que vous pouvez déjà observer, quelles perspectives d’avenir s’offrent à l’IA en ce qui concerne le secteur de la gestion d’actifs ?

Nicholas Abe : Absolument. Je pense que nous venons déjà d’évoquer plusieurs des aspects dont je perçois qu’ils constituent en fait les prochaines étapes immédiates, c’est-à-dire que nous allons observer une forte automatisation de nombreuses tâches qui, encore une fois, impliquent une forme quelconque de travail répétitif ou qui portent sur des travaux de recherche qui pourront être pris en charge par l’IA, de telle sorte que les responsables de ces travaux se retrouveront libérés pour consacrer plus de temps à des processus décisionnels plus significatifs.

Mais il me semble que nous allons éventuellement arriver à un point d’hyperpersonnalisation pour les clients. Et je suppose que ce que cela signifie pour moi renvoie à des cas que nous avons déjà pu observer, comme le service de gestion de placements en ligne Wealthsimple et la société de services financiers Robinhood, alors que, fondamentalement, les clients peuvent tout simplement opérer de manière indépendante. Et ils interagissent avec le système par le truchement d’une application. Cette approche connaît énormément de succès auprès des personnes qui ont grandi avec un téléphone intelligent.

Il me semble qu’à l’avenir, plutôt que d’offrir un produit de fonds communs de placement ou un FNB, dont un responsable du marketing ou des produits affirme qu’il s’agit bel et bien du prochain FNB vedette, je pense que nous allons nous retrouver dans une situation où un utilisateur pourra tenir compte du fait qu’il aime beaucoup le sport, qu’il n’aime pas le secteur de l’énergie, qu’il ne souhaite pas investir le moindre sou dans une entreprise de défense ou de ce genre, invitant le système à élaborer le meilleur portefeuille possible qui tienne compte de ce qu’il sait de l’utilisateur et de ses connaissances des secteurs où cet utilisateur est à l’aise d’investir. Et toutes ces tâches pourront être automatisées, toutes ces tâches pourront être réalisées à faible coût et tout le monde pourra se retrouver en quelque sorte avec sa propre solution personnalisée.

Et il me semble que, dans ce monde, les gens qui ont ce type de compétence et la capacité d’offrir ce niveau de personnalisation se retrouveront probablement en meilleure position. Si l’on se rappelle certaines des innovations qui ont marqué le domaine de la gestion d’actifs, comme les FNB, je ne sais pas s’il y a même une seule personne qui souhaiterait s’être intéressée plus tard aux FNB. Tout le monde voudrait s’être impliqué plus tôt puisque, dès que l’on acquiert des habitudes, il est difficile de s’en défaire.

Murray Bender : De sorte qu’il est peu probable que l’IA disparaisse de sitôt.

Nicholas Abe : Je pense que, pour moi, de manière pragmatique, lorsqu’on s’interroge sur certains des autres progrès récents dont on a énormément parlé, comme la cryptomonnaie, le Web3, le métavers, on éprouve une certaine difficulté à déterminer précisément à quoi cela sert. Par exemple, je doute que vous puissiez définir précisément ce en quoi Web3 peut être utile pour moi, n’est-ce pas ?

Cependant, en ce qui concerne l’IA, nous avons déjà discuté de ce sujet et nous continuons d’en discuter, et il me semble parfaitement clair et évident qu’il est utile pour moi de me servir de cette technologie. Et telle est bel et bien la raison pour laquelle nous avons observé de tels investissements à son égard et pourquoi un si grand nombre de gens en parlent. Il me semble, en vérité, que nous ne sommes qu’à l’aube de ce phénomène.

Murray Bender : Merci beaucoup de nous avoir consacré du temps, Nick. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants.

Nicholas Abe : Avec plaisir. Je suis ravi. Merci de m’avoir invité, Murray.

Murray Bender : Pour obtenir des renseignements sur un éventail de sujets pertinents pour les entreprises et les investisseurs institutionnels, y compris nos balados précédents, visitez le site http://www.rbcis.com/fr/our-insights. Mon nom est Murray Bender. Merci de nous avoir écoutés.

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